Festival Django Reinhardt. 28 juin-07 juillet 2019. Pays de Fontainebleau.

Le nom de Django Reinhardt est indissociable à celui de la commune de Samois en Seine-et-Marne (France). Le grand homme s’y installa en 1951 avant d’y décéder deux ans plus tard et d’y être enterré.

15 ans après sa mort en 1968, un premier hommage fut organisé dans le village par l’Association des Amis de Samois. Présenté par Claude Nougaro, on pouvait y entendre entre autres son frère Joseph, son fils Babik, Stéphane Grappelli bien sûr et un grand nombre des héritiers musicaux du génie. Deux nouveaux évènements eurent lieu en 1973 et 1978, toujours à Samois et avec beaucoup de succès.

C’est donc tout naturellement que l’idée d’un festival annuel s’imposa auprès d’amis et d’amateurs éclairés rassemblés autour du maire de l’époque Jean-François Robinet, du président de l’Académie de Jazz Maurice Cullaz et sous le haut patronage de Jack Lang, alors ministre de la culture. La première édition eut lieu en septembre 1983, année du trentième anniversaire de la mort du guitariste.

Jusqu’en 2015, la manifestation se déroula dans le bas de la localité sur l’île du Berceau. L’année suivante, à peine trois semaines avant le début des festivités, l’endroit fut submergé par une crue de la Seine. Les organisateurs furent alors obligés de trouver un nouveau lieu, en l’occurrence la Prairie du Bois d’Hyver située dans le parc du château de Fontainebleau à une dizaine de kilomètres du dernier lieu de villégiature de Django. Depuis 2017, le festival a trouvé sa place définitive la première semaine de juillet dans ce haut lieu historique.

Cependant et afin de continuer à faire vivre la mémoire du musicien, la place principale de Samois et ses alentours deviennent le temps de deux soirées (au lieu d’une journée comme ce fut le cas les deux années précédentes), le théâtre de nombreux concerts gratuits et jam sessions endiablées. Dans le même temps et  pendant toute la période, les fans de la musique manouche investissent le fameux camping en bord de Seine voisin de Samoreau afin de partager en accès gratuit barbecues et joutes musicales, parfois en compagnie des maîtres du genre venus en voisins. 

Michel Legrand (Samois.1989). David Reinhardt et Emmanuel Bex (Samois.2011). Georges Benson (Samois.2011). Elios Ferré. Boulou Ferré (Samois.2012). Al Dimeola (Samois.2012). Grégory Porter (Fontainebleau. 2016). Stochelo Rosenberg (Fontainebleau. 2017). Samson et Dorado Schmitt (Samois. 2018) (Toutes photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Citer les noms de tous les musiciens, vocalistes, jazzmen et autres qui sont venus un jour se présenter devant le public du festival serait long et fastidieux et nous ferait ressembler à un dictionnaire des musiques du voyage. La liste est impressionnante, rappelons-nous cependant des familles Reinhardt, Ferret et Ferré, de Stéphane Grappelli, Christian Escoudé, Romane, Angelo Debarre, Bireli Lagrene, Patrick Saussois, Raphael Faÿs, Fapy Lafertin, Stochelo Rosenberg, Tchavolo Schmitt, Dorado Schmitt, Moreno, Thomas Dutronc, les violonistes Didier Lockwood et Svend Asmussen. D’autres guitaristes légendaires sont venus rendre hommage au maître : Paco de Lucia, Georges Benson, John Mc Laughlin, Al Dimeola, Larry Coryell, Jim Hall, Joe Pass, Baden Powell mais également des instrumentistes comme Gilbert Leroux, Michel Legrand, Chet Baker, Archie Shepp, Michel Petrucciani, Art Blakey, Marcus Miller, Toots Thielemans, Ibrahim Maalouf, les chanteuses Dee Dee Bridgewater, Betty Carter, Stacey Kent, Youn Sun Nah ou encore Manu Dibango, Ray Barretto, Calypso Rose,  Goran Bregovic et des dizaines d’autres.

Depuis 2012, la version automnale du festival se décline le temps de trois soirées dans le cadre somptueux du Théâtre à l’italienne de Fontainebleau. La huitième édition aura lieu les 5, 6, 7 décembre 2019.

Samois. Juin 2019. Django Legacy. Steeve Laffont Trio. Christian Escoudé (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

L’édition 2019 fut marquée par une météo estivale et une programmation, sous la direction artistique de Sébastien Vidal, une nouvelle fois attrayante qui attira une foule nombreuse et joyeuse.

Le premier weekend, ce fut le collectif Django Legacy regroupant des jeunes prodiges venus des quatre coins de l’Europe (dont Simba Baumgartner l’arrière petit fils de Django) qui ouvrirent le bal à Samois avec un jazz manouche classique mais ô combien enthousiasmant. Le Trio de Steeve Lafont, accompagné du violoniste virtuose Costel Nitescu proposa ensuite sa propre version de la musique du maître avec de jolies incursions vers les rythmes du pays catalan. Enfin, Christian Escoudé, un habitué des lieux nous fit entendre les « inédits », dont la fameuse « Messe » du premier guitar hero, en compagnie de trois musiciens et de Stephy Haik au chant.

Samois. Juin 2019. RP Quartet. Lou Tavano. Andreas Varady Trio. Jupiter and Okwess. (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Le lendemain, Le RP Quartet, incontournable de la scène parisienne invita la formidable chanteuse Lou Tavano pour un set entre jazz des années 1960 et musique manouche, suivi du Trio du jeune prodige slovaque Andreas Varady, managé par Quincy Jones lui-même.

La place du village vécut ensuite un véritable évènement avec le concert du Congolais Jupiter Bokondji accompagné de son groupe Okwess (la nourriture). Devant un public pas forcément habitué à la richesse des rythmes de la RDC et l’énergie électrisante du rock, « le Général » a rapidement fait l’unanimité au point d’être reprogrammé la semaine suivante dans l’enceinte du Parc du Château de Fontainebleau.

Fontainebleau. Juillet 2019. Gwen Cahue Trio. Delvon Lamarr Organ Trio (Jimmy James. Delvon Lamarr). Parov Stelar (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Le jeudi suivant, le guitariste Gwen Cahue, ses deux complices et leur invité le violoniste Bastien Ribot furent les premiers à se produire sur la grande scène de la Prairie du Bois d’Hyver avec une relecture des standards du jazz, d’Antonios Carlos Jobim à Michel Petrucciani sans oublier bien entendu Django Reinhardt. Soul, jazz et rhythm & blues ensuite avec l’envoûtant Delvon Lamarr Organ Trio et son charismatique guitariste Jimmy James. Le très attendu producteur/DJ et fondateur du style « électro swing » Marcus Fuereder, plus connu sous son nom de scène Parov Stelar clôtura cette première soirée avec ses deux vocalistes, ses cinq musiciens et un nouveau spectacle dansant moins superficiel qu’on aurait pu le croire.

Fontainebleau. Juillet 2019. Romane et le Paris Swing Orchestra. Mayra Andrade. Maravillas de Mali (et Boncana Maiga). Jupiter and Okwess. (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Venu en voisin, l’incontournable Romane ouvrit la journée de vendredi avec le Paris Swing Orchestra pour une somptueuse rencontre entre jazz manouche et swing era, avant de laisser la place à Mayra Adrade et sa pop tropicale chantée en créole cap verdien, anglais, français et portugais. Au début des années 1960, Maravillas de Mali fut le premier groupe “afro cubain” et leur tube « Rendez-vous chez Fatimata » fit danser autant Cuba qu’une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. Accompagné du dernier survivant de la formation originale Boncana Maïga, « les Merveilles du Mali » sont revenues il y a quelques années sur le devant de la scène afin de faire revivre un répertoire indémodable. Ce deuxième soir se termina avec Jupiter and Okwess qui fit danser une nouvelle fois le public du Pays de Fontainebleau avec une conviction qui force le respect.

Fontainebleau. Juillet 2019. La Verdine. Tchavolo Schmitt. Cyrille Aimée. Fiona Monbet Quartet (Avec Alexandre Boyer). Thomas Dutronc et les Esprits Manouches (Thomas Dutronc. Rocky Gresset. Aurore Voilqué). Tom Misch. (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Le samedi affichait complet et les organisateurs furent dans l’obligation de refuser du monde. Composé de musiciens québécois et français et lauréat du Tremplin des Luthiers 2018 organisé par le festival, le Quatuor la Verdine se distingue par des compositions originales influencées par l’énergie du jazz reinhartien mais  également d’autres styles comme les musiques classiques et contemporaines. Un peu plus tard, l’unanimement respecté, Tchavolo Schmitt et ses complices musiciens ont une nouvelle fois suscité l’admiration des adeptes de la geste manouche. S’ensuivit la jeune chanteuse Cyrille Aimé. Un peu à part dans la galaxie des chanteuses de jazz, cette véritable « enfant du festival »  a grandi à Samois. Vivant désormais aux Etats-Unis, elle se produit dans de nombreuses et prestigieuses manifestations à travers le monde. Très attendue, accompagnée d’un excellent sextet, elle a ravi le public nombreux avec son énergie communicative, une technique sans faille et des anecdotes pleines d’humour. Sur la Scène des luthiers, celle que Didier Lockwood considérait comme sa fille spirituelle la violoniste franco-irlandaise Fiona Monbet, entourée de trois musiciens dont le jeune et très talentueux Antoine Boyer, a suscité l’admiration du public par un jeu d’une grande finesse et une ouverture d’esprit réjouissante. Du grand art. Retour vers la grande scène avec Thomas Dutronc et les Esprits manouches. Entouré de ses cinq musiciens (dont les fidèles Rocky Gresset à la guitare et Aurore Voilqué au violon), l’auteur de « J’aime plus Paris » a présenté un show agréable et bien rodé. En fin de soirée, le jeune producteur et multi-instrumentiste londonien Tom Mish n’eut aucun mal à enflammer l’assistance avec son jazz funky et raffiné.

Fontainebleau. Juillet 2019. Marc Berthoumieux. Gonzalo Bergara Quintet (avec Leah Zeger). A Christian McBride Situation. A projeto Coisa Fina (sur la Scène des Luthiers). Ibrahim Maalouf (avec Haïdouti Orkestar et les enfants de la troupe Aven Savore). (Photos: Frantz-Minh Raimbourg

Beaucoup de monde à nouveau le dimanche et une dernière journée avec l’excellent Quartet de l’accordéoniste Marc Berthoumieux en ouverture. Petite déception ensuite avec le Quintet de Gonzalo Bergara. Le guitariste d’origine argentine (qui avait invité la violoniste Leah Zeger) explore différentes variantes du jazz et de la musique de son pays natal avec une certaine virtuosité mais mériterait une section rythmique moins poussive, dommage… A Christian McBride Situation, du nom de l’immense contrebassiste a ensuite fait voyager le public entre jazz et funk accompagné d’un pianiste, d’une chanteuse, d’un saxophoniste et de deux platines. Un peu plus loin, la Scène des luthiers accueillait le Big Band de Sao Paulo composé de 12 musiciens A Projeto Coisa Fina pour un concert autour de l’oeuvre du maestro Moacir Santos. Le festival s’est terminé avec le nouveau projet du trompettiste Ibrahim Maalouf qui avait invité cette fois le brass band Haïdouti Orkestar et des enfants de la Troupe Aven Savore, née en 2016 à l'initiative de l'Association Intermèdes Robinson et qui rassemble des jeunes danseurs, chanteurs, musiciens issus des bidonvilles du nord de Paris et de quartiers populaires de l'Essonne. Une fête colorée, métissée, joyeuse et généreuse que le grand Django aurait certainement apprécié.

                                  Article réalisé par Frantz-Minh Raimbourg

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