Louis Winsberg et Jaleo.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

Il y a quelques mois, nous avions rencontré le guitariste à l'occasion de la sortie d'un coffret réunissant les trois albums de Jaleo et le film "Musica !".
Depuis, il y  a eu  également la sortie d'un nouvel album de Sixun.
Photos : Serge Braem.
Photos : Serge Braem.

Photos : Serge Braem.

Raconte-nous ta jeunesse musicale !
Je suis né à Marseille au début des années 1960 et nous avons vécu à Eygalières dans le département des Bouches-du-Rhône. Mes parents, Jacques Winsberg et Angèle Gage étaient artistes peintres. Leur oeuvre évoque beaucoup la Méditerranée : la Camargue, la tauromachie, l’Espagne… Mon père était ami avec le  chanteur gitan José Reyes, cousin de Ricardo Baliardo (connu sous le nom de Manitas de Plata) et père des Reyes qui deviendront ensuite les Gypsy King. C’est avec eux  que j’ai commencé à apprendre la guitare à l’âge de 12 ans, puis plus tard et bien avant leur succès, j’ai enregistré mon premier disque sous le drôle de nom de Loulou Van Vinsberghe (rires)… J’ai étudié la guitare classique pendant 2 ans, tout en travaillant le jazz en autodidacte et en participant à des stages dirigés par Gérard Marais et Christian Escoudé.
En 1979, je me suis installé à Paris en continuant mes études au lycée musical de Sèvres. Je me suis perfectionné dans le jazz, j’ai remporté le Premier Prix de soliste du Concours national de la Défense, je suis devenu enseignant au CIM (Centre d’Informations Musicales) de Paris. C’est pendant cette période que j’ai commencé à jouer dans les clubs de la Capitale et à me produire avec diverses formations.
Louis Winsberg et Jaleo.
Louis Winsberg et Jaleo.
En 1984, c’est la naissance de Sixun ?
Oui, j’avais 20 ans. C’était mon premier groupe professionnel. J’avais rencontré Alain Debrossat (saxophone, flûtes) au CIM et Paco Sery (batterie, percussions) dans une jam session grâce à Jean-Pierre Como (claviers, piano). Paco, qui était déjà une « vedette » a amené Michel Alibo (basse) et Abdou MBoup (percussions). On a fait un premier concert où il y avait un monde fou. Alain Guerrini le directeur du CIM nous a alors proposé de faire un album. A l’époque, c’était moins compliqué, on rentrait au studio, on apportait des morceaux, on répétait. C’est comme ça que « Nuit Blanche » est né. Rapidement, on a eu des articles, on a fait quelques festivals. Notre nom fait référence aux six membres, originaires du monde entier, qui jouent ensemble comme une seule personne (NDLR / Six One devenu Sixun). Gilles Jumaire qui avait créé sa boîte (« Bleu Citron ») est devenu notre manager. Il a construit de manière remarquable le parcours du groupe pendant une quinzaine d’années. Les percussionnistes ont souvent changés. Après le départ d’Abdou, il y a eu Idrissa Diop, Jaco Largent, Arnaud Franck, Manolo Badrena et Nanda Kumar.
On s’est séparé une première fois en 1998 après une neuvième galette (« Nouvelle Vague »).
Dans la même mouvance de ce que certains appelaient le jazz fusion, il y avait également Ultramarine avec Mario Canonge, Nguyên Lê, Bago Balthazar, rejoints ensuite par Mokhtar Samba puis en 1986 d'Étienne Mbappé. On nous a souvent comparés. Il n’y a jamais eu de tensions entre nous, on se connaissait, c’était un peu dans l’air…
En 2005, après une période de break, on est revenu sur le devant de la scène pour nos 20 ans. Il y a eu deux soirées à la Cigale (et un DVD live), plusieurs festivals et un nouveau percussionniste Stéphane Edouard.
Le dernier opus avec les 5 fondateurs historiques (et Stéphane) s’appelle « Unixsity ». Composés pendant le confinement, les 6 titres ont été enregistrés fin 2021 et il est sorti en novembre 2022.
Pendant ces années, tu as joué également avec d’autres formations ?
Un peu avant Sixun, il y avait eu Caméléon, avec Antoine Illouz,Tony Ballester, Louis Roua et un percussionniste. On avait repris la musique de « We want Miles », j’avais changé de guitare et acheté une strato ! Miles Davis a été pour moi une référence déterminante tout comme Weather Report.
En 1987, j’ai formé un trio avec Tony Rabeson à la batterie/percussions et Jean-René Dalerci à la contrebasse. Il y a eu « Appassionata » puis trois ans plus tard « Camino » avec des musiciens comme Dominique Di Piazza.
Je peux citer également le projet « la Danse du Vent » en 1994, avec plus ou moins les mêmes complices. de fortes influences flamenco (déjà !) et la présence de nombreux invités. Il y a eu Douce France en compagnie de Stéphane Huchard et de Christophe Wallemme consacré à la relecture de chansons françaises et le projet « Les Trois Afrique », en 2005 qui rassemblait des chants et rythmes du Maghreb, du Sénégal jusqu'à Madagascar avec Sha Rakotofiringa, Diogal, Jean-Christophe Maillard et Karim Ziad.
Au fil des années, j’ai enregistré avec Sylvain Luc, Marc Berthoumieux, Claude Nougaro… Il y a eu des collaborations avec les Doky Brothers, Dee Dee bridgewater, Maurane et beaucoup d’autres.
Louis Winsberg et Jaleo.
Louis Winsberg et Jaleo.
Louis Winsberg et Jaleo.
Louis Winsberg et Jaleo.
Et puis, il y a eu Jaleo à partir de l’an 2000 ! Que signifie le nom ?
C'est un mot qui a plusieurs sens : c’est à la fois un style musical, les encouragements vocaux chaleureux qu’on peut trouver dans le flamenco (un peu comme le célèbre « Chauffe Marcel » de Jacques Brel dans la chanson « Vesoul » !) et puis cela signifie également le bruit, l’ambiance, la pagaille...
Les musiques et les danses méditerranéennes tout comme les chants de cette région me touchent énormément. Je n’ai jamais cessé d’écouter du flamenco et Paco de Lucia en particulier. Son disque « Solo quiero caminar » a été une espèce d’électrochoc. Je me rappelle très bien qu’une nuit, en revenant d’un concert dans un club de la capitale, j’étais dans ma voiture, j’ai écouté ce disque et je me suis mis à pleurer. C’était une forme d’appel. En tant que musicien de jazz, je ne connaissais pas bien cette musique, j’ai dû apprendre (et je continue encore !), la technique et les compas, les fameux codes rythmiques de ce style, j’ai accompagné des cours de danse, j’ai composé en me servant de tout ça. Il y a eu de nombreuses rencontres, entre autres avec Jean-Baptiste Marino avec qui on a monté le groupe. Cet apprentissage a duré une bonne décennie ! Pendant cette pré-histoire » du projet, il y a eu des moments que je pourrais qualifier « d’annonciateurs » : des compositions influencées par le flamenco, la rencontre avec le percussionniste indien Nantha Kumar au cours d’une tournée avec Sixun…
La création de cette formation correspond au moment de la fin de la « première période » de Sixun. Tout est arrivé naturellement, on a commencé à travailler, à enregistrer ce nouveau répertoire fin 1999.
Au début de l’an 2000, on a eu la chance d’avoir une résidence de plusieurs semaines au Phénix de Valenciennes. Cela reste un souvenir de création exceptionnel et très émouvant. Outre Nantha et Jean-Baptiste que j’ai déjà cité, il y avait le vibraphoniste et joueur de marimba Norbert Lucaraiin, le multi-instrumentiste Jean-Christophe Maillard, le chanteur José Montealegre, la danseuse Isabel Pelaez et le percussionniste Miguel Sanchez. Cette première expérience qui est le fruit de 10 ans de maturation est très homogène et balance entre l’Inde, des « harmonies jazz » et des rythmiques du flamenco.
Le spectacle a été créé fin mars de la même année et « Jaleo », enregistré entre le sud de la France et Paris est sorti en 2001 sur Earcy/Universal Jazz. Le projet a rapidement bien marché, on a fait de nombreux concerts.
Il y a eu ensuite en 2003 une résidence à Istres en janvier 2005 et une autre à Saint-Rémy-de-Provence en 2014.
« Le Bal des Suds »est sans doute « différent ». Norbert est parti, certains titres sont plus jazz ou pop, il ya de nombreux invités dont Paco Sery, Raimundo Bénitez et Luis de La Carrasca.
Quand au dernier, il est bien évidemment dédié à Paco de Lucia qui venait de disparaître. J’ai voulu y donner plus d’importance aux voix, à la chanson flamenco avec la présence de Sabrina Romero. On peut aussi y entendre deux titres joués avec un orchestre à cordes.
Actuellement, on est 5 au lieu de 8. La danse tient une place importante dans le spectacle, comme toujours depuis les débuts. Jaleo, c’est à la fois les codes du flamenco mais avec d’autres sons. L’aventure continue…
Dans le coffret qui regroupe l’intégral discographique, il y a un DVD avec des clips et surtout « Musica ! », un documentaire réalisé par mon amie Catherine Pello-Guerrier qui avait commencé à filmer les premières séances de travail de « For Paco ». Tout cela est venu d’une envie commune. J’avais envie d’autres choses, d’un rapport approfondi à l’image. On a tout fait à deux sur 5 années. Au fur et à mesure, il y a eu d’autres idées, le personnage central reste la musique, mais ça s’est élargi à des scènes tournées dans les années 1960 par ma mère. Certaines séquences de fêtes de cette époque m’ont donné l’occasion de recréer une nouvelle fiesta à la maison avec la famille au sens large, filmée « à nouveau » 50 ans après.
                               Entretien réalisé à Paris par Frantz-Minh Raimbourg.
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