Chico Cesar.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

Entretien avec le chanteur/compositeur brésilien et figure centrale de la MPB (musique populaire brésilienne) à l’occasion de la sortie de son dixième album « « Vestido de Amor ».
Photo : Ana Lefaux.

Photo : Ana Lefaux.

Parlez-nous de votre enfance !
Mon nom est Francisco Gonçalves César. Je suis né au milieu des années 1960 à Catolé do Rocha, une petite bourgade de la région de Paraìba dans le Nordeste du Brésil. Mon père était métis d’indien et de blanc et ma mère était descendante d’esclaves. Nous habitions à la campagne. Mes parents chantaient souvent, par exemple au moment de la très populaire Fête des Rois Mages qui conclut les festivités de Noël et qui réunit de nombreux  groupes de chanteurs et d’instrumentistes. Le Nordeste a de nombreuses traditions musicales, comme le forró que l’on peut reconnaitre par ses sonorités caractérisées notamment par l'accordéon, le triangle, la flûte ou encore le tambour zabumba.
Que s’est-il passé ensuite ?
A 12 ans, j’ai écrit ma première chanson. A 16 ans, j’ai commencé une formation de journaliste tout en travaillant dans une librairie. Pendant cette période, je « dévorais » un nombre très important de livres tout en écoutant aussi bien James Brown, les Rolling Stones que le légendaire Luis Gonzaga. J’étais également membre de plusieurs orchestres dont  Jaguaribe Carne, composé par les frères Pedro Osmar et Paulo Ró. C’était un des rares groupes à fusionner des éléments de musique expérimentale avec les traditions musicales locales.
En 1984, Je suis parti pour São Paulo pour exercer mon métier. Je continuais de me produire dans les bars en tant que musicien.
En 1991, par l’intermédiaire d’un centre culturel,  j’ai été invité à faire une tournée en Allemagne. J’ai quitté le journalisme peu après et j’ai formé  l’Orchestre Cuscuz Clã (appelé d’abord A Cámara dos Camarados). 4 ans plus tard, j’ai fait paraître « Aos Vivos » (enregistré en public sur un petit label en compagnie du guitariste Lanny Gordin et du chanteur Lenine de Recife) et mon livre « Cantáteis, cantos elegíacos de amizade » (Ed. Garamond). Depuis, j’ai publié d’autres recueils dont un destiné aux enfants.
En 2010 vous êtes devenu Secrétaire de la Culture de l'État de Paraiba ?
Oui. J’ai été aussi président de la fondation culturelle de João Pessoa.
Mon frère, qui était très militant m’a transmis en partie l’envie de me servir de mon art comme outil poétique mais également social et politique. Dans mes chansons, j’ai toujours eu la volonté d’évoquer des sujets comme le racisme, l’oppression des minorités, et bien sûr l’environnement. Mais j’ai aussi célébré la joie, les couleurs du monde ou encore le pouvoir de l’amour. Il n’y a rien de mieux pour lutter contre la dureté du quotidien…
Photo : Ana Lefaux.

Photo : Ana Lefaux.

Parlez-nous maintenant de votre dixième et dernier opus « Vestido de Amor » !
Il a été composé en France, au Brésil et en Uruguay pendant la pandémie. C'est mon premier disque réalisé en dehors de mon pays. Il a été produit par Jean Lamoot et enregistré aux Studios Ferber à Paris.
Le Nordeste a bâti une histoire singulière. Cette terre amérindienne a accueilli, parfois dans la douleur,  un grand nombre de peuples au cours des siècles. Ma musique reflète ces couleurs multiples. On peut y entendre aussi bien du Forró, du reggae, du calypso, de la cumbia, la morna du Cap-Vert et même du rock. L’Afrique, que  notre pays a longtemps plus ou moins ignoré a une place très importante, en particulier dans ma région. J’ai toujours évoqué ce continent, en 1996 par exemple avec la chanson « Mama Africa » ! Dans mes disques  précédents, j’ai invité le bassiste et chanteur sud africain Bakithi Kumalo ou le Congolais Lokua Kanza. Cette fois, il s’agit de  panafricanisme du point de vue de la diaspora.
Comment s’est faite la rencontre avec Salif Keita et Ray Lema ?
 Ils ont eu tous les deux une grande influence sur mon parcours artistique. C’est en entendant la voix incroyable de Salif que j’ai créé mes premiers groupes. Ray Lema a une culture musicale immense, que ce soit dans le jazz ou les musiques traditionnelles. Je suis très heureux qu’ils soient présents chacun sur un titre, ainsi que quelques musiciens reconnus comme le bassiste camerounais Etienne Mbappe et le koriste mandingue Sekou Kouyaté. Le chanteur Albin de la Simone et le quartet vocal Aestesis sont également présents.
Et les textes ?
Les mots doivent  apporter du sens. Le titre de l’album (« Vestido de Amor» Vêtu d’amour) est une façon de dire que la musique, l’art en général, dans ce monde pas facile au Brésil comme ailleurs, permet de s’approcher de l’autre avec amour et en douceur ! J’évoque également le Xangô (nom du vaudou), la joie « naturelle » des Nordestins au quotidien pourtant parfois si rude,  mais aussi la dangerosité et les méfaits des idées de Bolsonaro et de ses partisans. C’est un disque à la fois optimiste, énergique et réaliste et je suis heureux de pouvoir le partager sur scène avec mes musiciens !
                                        Entretien réalisé à Paris par Frantz-Minh Raimbourg.
Photo : Ana Lefaux.

Photo : Ana Lefaux.

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