Dixiefrog. François Maincent et André Brodzki.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

Dixiefrog, à qui on doit tant de belles découvertes de blues (mais pas seulement…)  fête ses 35 ans.
Rencontre avec François Maincent et André Brodzki, les deux successeurs de Philippe Langlois, le créateur du label.
André Brodzki et François Maincent. (Photo : Frantz-Minh Raimbourg)

André Brodzki et François Maincent. (Photo : Frantz-Minh Raimbourg)

François Maincent : Je suis un passionné de musique depuis toujours, je pratique un peu la guitare, la basse et les claviers en tant qu’amateur. J’ai débuté ma carrière en 1994 dans l’édition musicale Classique (Schott Frères) dans laquelle j’ai développé un service de distribution d’instruments de musique. C’est là que j’ai créé la marque de guitare Clayton. Puis, j’ai continué avec un associé en montant ma propre société pour distribuer ces mêmes instruments. J’ai tout arrêté au moment de la naissance de mes enfants pour devenir directeur commercial entre autres chez France Boissons. C’est là que j’ai rencontré André, on a sympathisé et on a décidé d’acheter ensemble le club mythique de La Chapelle des Lombards situé à Paris près de la Bastille. Pendant 5 ans, on y a organisé des concerts et des spectacles formidables. Ce fut une période incroyable qui restera longtemps gravée dans nos mémoires.
André Brodzki : J’ai un parcours de publicitaire qui m’a toujours fait graviter autour du monde de la musique et du sport, mes deux passions. Je ne suis pas musicien, mais j’ai écrit dans des journaux comme Best, Guitare et Claviers, Guitar World,…. J’ai été également il y a longtemps chef de pub dans des médias qui parlaient des  radios « libres » naissantes. J’ai rejoint Canal + pendant 3 ans en qualité d’assistant de production avant d’enchaîner de nombreuses expériences en tant que journaliste dans des émissions télévisées (Fréquenstar, Questions pour un Champion,…) radiophoniques (RMC) ou des revues (Le Monde du tennis,…). Ensuite et pendant 17 ans, j’ai été chargé du bureau Artistes de la marque Gibson pour la France avant de faire plus ou moins la même chose pour Fender, Ibanez ou les guitares Lag. Actuellement, et en dehors de ma collaboration avec François, je suis chargé de la gestion des partenariats pour les Zénith de Paris, Nantes et Toulouse.
Comment s’est faite votre rencontre avec le blues, la country ?
FM : A 20 ans j’ai réalisé un rêve de gamin, je suis parti tout seul pendant une année aux Etats-Unis. J’allais dans des clubs de blues dans le district de Washington, à Memphis et ailleurs... C’est vraiment là que j’ai découvert cette musique.
AB : C’est une forme musicale que je connais depuis mes débuts dans le journalisme, puis en travaillant pour Gibson et d’autres fabricants d’instruments. A une époque, j’ai fait une anthologie de cette musique en 10 volumes pour le Club Dial et j’ai participé également à des collections de 30 CD/livrets diffusées en kiosques : « Rhythm and Soul » et « Blues Story ».
Dixiefrog. François Maincent  et André Brodzki.
Dixiefrog. François Maincent  et André Brodzki.
Comment l’histoire de Dixiefrog a-t-elle commencé ?
FM : Le label a été créé par Philippe Langlois qui  travaillait comme agent d’artistes avec notamment Francis Lalanne puis la chanteuse Sapho. Avec un de ses amis (Alain Rivet connu également sous nom d’artiste de Leadfoot Rivet), ils ont eu l’idée de créer Dixiefrog afin de promouvoir la musique country en France, des artistes comme Karen Taylor-Good, Jimmy Tittle, Joe Sun, voire folk (Susan Marshall) ou rock (Tony Joe White). C’était en 1986. Ils allaient à Nashville rencontrer des artistes et des labels. Ils ont collaboré ensemble pendant 3 ans puis Alain est devenu tourneur.
AB : Devant le peu de succès rencontré par la country, Philippe s’est tourné, avec l’aide de son père le peintre Jean Langlois vers une autre de ses passions musicales, le blues. Il faut insister sur le fait que dès le début, le travail auprès des artistes s’est toujours fait dans une approche autant humaine que professionnelle dans un climat de confiance et de respect. Philippe faisait tout lui-même. Tout ce qui a été publié l’a été à la fois pour des questions d’opportunités, de budget et évidemment de goût, Il fallait que ça lui  plaise ! Il a fait émerger en France et en Europe des musiciens comme Popa Chubby, Neal Black, Eric Bibb et tellement d’autres….
Dixiefrog. François Maincent  et André Brodzki.
Pourquoi le nom de Dixiefrog ?
AB : Le nom a été trouvé par Alain Rivet. C’était un clin d’œil aux labels roots américains comme Alligator ou Flying Fish,…et une façon de rendre hommage à ces musiques venant plutôt du sud des Etats-Unis et qui existent avant tout pour donner du plaisir et procurer des émotions simples, ce qui n’interdit pas d’avoir des idées engagées et de belles mélodies…
FM :  En 35 ans, Dixiefrog a fait paraître pas loin de 450 disques. Le départ a été un peu lent et cela s’est accéléré à partir du milieu des années 1990 grâce  notamment aux collaborations avec des labels américain (Blind Pig) et canadien (Stony Plain). En 2007, Philippe Langlois a publié  27 CD/DVD en une seule année !!! N’oublions pas non plus  le travail de David Isaac (toujours présent dans l’équipe) et Guy Fay (qui nous a quitté il y a quelques années) et ce qu’ils ont apporté par les contacts qu’ils avaient avec de nombreux artistes et professionnels.
Quel est pour vous la vocation d’une structure comme Dixiefrog ?
FM : Il faut d’abord dire que nous ne sommes pas une major de l’industrie musicale ! Notre façon de travailler est presque  « artisanale ». Les artistes qui viennent chez nous savent « où ils mettent les pieds » !  D’autre part, nous ne sommes pas fermés à la modernité, on a bien analysé, par exemple l’importance du digital (nous collaborons avec Umanoïa, une agence de Marketing Digital et sa dirigeante Charlotte Le Gal) et en toute modestie, je pense que nous avons la capacité à nous entourer…
AB : Notre métier, c’est de sortir des disques. On nous apporte des pistes mixées sorties du studio. Nous, on va s’occuper du mastering (avec l’équipe du Studio L’Entresol à Aubervilliers), de la pochette, du livret, de créer l’écrin qui va mettre en avant l’artiste et son œuvre (Bruno Broussard, notre graphiste historique et Patrick Canigher pour les vidéos EPK…). Puis on va travailler sur les moyens de communication (nos attaché/es de presse Sophie Louvet et Bruno Labati pour la promotion des albums,…) afin que le public soit de plus en plus nombreux à avoir accès à cette musique.
Dixiefrog. François Maincent  et André Brodzki.
Dixiefrog. François Maincent  et André Brodzki.
Quels sont les artistes qui ont marqué le label ?
AB : En dehors de ceux que nous avons cité, il y a eu Bill Wyman, Jimmy Thackery, Tommy Castro, Ken McMahan (le fondateur des Dusters), Beverly Jo Scott, et des artistes français comme  Jean-Jacques Milteau, Little Bob, Amar Sundy, Bill Deraime et tant d’autres…Fred Chappelier est toujours avec nous et il vient de sortir une double compilation (NDLR : lire l’entretien sur ce même blog).
Votre arrivée en janvier dernier va t’-elle orienter la philosophie musicale de la maison ?
FM : Pour le moment, nous marchons sur les pas de notre prédécesseur, il faut faire preuve d’humilité. Philippe Langlois a tant fait depuis 35 ans que tout bouleversement immédiat est inimaginable. Il continue d’ailleurs de nous prodiguer de nombreux conseils.
AB : Comme nous l’avons déjà dit, nous conserverons les valeurs du label, à savoir une certaine éthique, une grande exigence et une profonde considération pour les artistes et leur projet. Avec le temps, nous imprimerons certainement nos propres goûts et il n’est pas impossible de voir Dixiefrog s’ouvrir à d’autres styles musicaux, toujours cependant autour des musiques roots que nous aimons.
Une conclusion ?
FM : Même si la période n’est pas facile pour la musique et la culture en général, nous continuons à faire paraître quelques disques dont nous sommes très fiers : Il y a eu récemment ceux de Fred Chappelier, de Popa Chubby (« It’s A Mighty Hard Road ») et de Neal Black and the Healers («A Little Boom Boom Boom »).
AB :  Le guitariste irlandais Johnny Gallagher avec The Boxty Band vient de sortir le sien (« A 2020 Vision ») et bientôt ce sera celui de l’incroyable néo-zélandais d’origine maori Grant Haua (« Awa Blues »). L’aventure continue…
                                                  Entretien réalisé à Paris par Frantz-Minh Raimbourg.

 

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