Kala Jula.

Publié le par Raimbourg Frantz-Minh

Même si Kala Jula est d’abord un duo helvéto/malien composé de Vincent Zanetti et Samba Diabate, leur troisième album ressemble fort à un quartet où les deux nouveaux membres se nomment Jacky Molard et Hélène Labarrière.
Vincent Zanetti et Samba Diabate. Studio de l'Ermitage. Paris (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)
Vincent Zanetti et Samba Diabate. Studio de l'Ermitage. Paris (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Vincent Zanetti et Samba Diabate. Studio de l'Ermitage. Paris (Photos: Frantz-Minh Raimbourg)

Quels sont vos parcours musicaux à tous les deux ?
Samba Diabate : Je viens d’une famille de griots installés dans la ville de Kita dans la région de Kayes au sud du pays. Mon père jouait au sein de l’Ensemble Instrumental du Mali créé au lendemain de l’indépendance en 1961. J’ai appris très jeune l’art du balafon et c’est avec cet instrument que j’ai effectué mes premières tournées avec la chanteuse wasolonka (Wassoulou) Sali Sidibé.
Vincent Zanetti : Je suis né en en Suisse. J’ai d’abord étudié l’histoire et la philosophie à l’Université de Genève avant de me former auprès de quelques-uns des maîtres tambourinaires traditionnels africains. Je me suis plongé dans la musique mandingue quand j’avais vingt ans,
Samba, comment avez-vous commencé à jouer de la guitare ?
SD : C’est une histoire assez curieuse… Nous étions partis au Congo Brazzaville avec mon orchestre de l’époque. Suite à des difficultés rencontrées sur place, je n’avais plus d’argent et aucun moyen de rentrer au pays. Le seul moyen que j’avais était de gagner quelques sous en faisant de la musique et en  accompagnant des chanteurs. Je me suis adressé à des Maliens qui vivaient là-bas qui m’ont conseillé d’apprendre la guitare afin de jouer dans les fêtes, les mariages… C’est de cette  façon que j’ai délaissé le balafon pour apprendre cet instrument à cordes, beaucoup plus connue et utilisée là-bas que notre idiophone mandingue…
Et vos influences en dehors de la musique des griots ?
SD : Elles vont de Django Reinhardt à John McLaughlin, Pat Metheny, Al Di Meola et tant d’autres…
Vincent Zanetti et Samba Diabate. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Vincent Zanetti et Samba Diabate. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Parlez nous de votre rencontre !
VZ: En 1989, j’ai fondé la compagnie métisse Djinn Djow, puis j’ai rejoint la troupe du djembefola Soungalo Coulibaly en 1992 à la fois comme musicien et directeur artistique. Samba est arrivé trois ans plus tard en tant que guitariste. C’était la première fois qu’on mélangeait une guitare avec un djembé avec tous les défis acoustiques que cela sous-entend. Ce qui était une gageure à l’époque est devenu maintenant plutôt banal. Je suis resté dans l’orchestre jusqu’en 2004, l’année où Soungalo est décédé.
SD : On peut dire que l’histoire de Kala Jula date d’une certaine façon de cette époque, avec le choix même du nom… En Afrique de l’Ouest, cela fait souvent référence à la famille des griots Diabaté dont le nom remonte au XIIIe siècle. En même temps, Kala signifie « celui qui a un arc », qui voyage pour faire sa vie (Jula), un archer nomade en quelque sorte, en référence à la confrérie animiste des chasseurs donsow, une des plus anciennes d’Afrique de l’Ouest.
VZ : Kala Jula, c’est un peu notre situation: Samba comme griot Diabate et moi comme chasseur ! Pendant plus de trente ans, j’ai étudié la musique des  donsow comme musicien mais aussi comme ethnomusicologue, j’ai écrit des articles, réalisé des enregistrements… A force de me plonger dans cette intimité, je fais partie maintenant de cette société d’initiation.
Que s’est-il passé ensuite jusqu’à la réalisation de votre premier album ?
VZ : J’ai eu besoin à une période de ma vie de « rendre » à l’Afrique ce que cette partie du globe m’avait tant apporté... L’idée était d’organiser des concerts dans les villages, dans les régions pour éviter la fuite des jeunes artistes vers Bamako… Samba a participé à ces aventures, nous nous étions perdus de vue pendant quelques années et c’est ainsi que nous avons repris le contact.
SD : En l’an 2000, après mes cinq années auprès de Soungalo Coulibaly, je me suis installé dans la capitale malienne. J’ai appris l’art du djeli ngoni avec mon oncle Sayon Sissoko. Après avoir retrouvé Vincent, j’ai obtenu une bourse pour venir enregistrer un disque en Suisse. Nous nous sommes mis à composer ensemble et cela a donné le premier opus : Samba Diabate et Vincent Zanetti avec le titre Kala Jula (Buda Musique. 2012), 13 instrumentaux qui évoquent nos voyages et nos rencontres avec la participation de Jean-Philippe Zwahlen à la guitare électrique et de Yannick Barman aux trompettes.
VZ : Le deuxième CD (Sangoyi. 2015. Buda Musique) est paru assez rapidement à la suite de cela. Le titre signifie « ardent », dans le sens de ce qui provoque une sensation de chaleur. On y retrouve Yannick Barman aux trompettes, Stéphane Chapuis à l’accordina et un chantre de la confrérie des chasseurs avec qui on avait beaucoup tourné qui se nomme Sidikiba Coulibaly.
Photos: Suzy Mazzanisi.
Photos: Suzy Mazzanisi.

Photos: Suzy Mazzanisi.

Quelle est votre façon de composer ?
VZ : Afin de renouveler notre inspiration, je retrouve Samba au cœur du pays Mandé.  On arrive avec une idée, on pense parfois à quelqu’un, on se raconte une histoire…
SD : Nous jouons une musique résolument contemporaine liée à ce qui se passe autour de nous. Il y a du blues, du jazz, mais comme je le disais, elle puise sa source aux épopées mandingues fondatrices et aux mythes des chasseurs donsow.
Avez-vous une façon différente de jouer votre musique, selon que ce soit en Afrique en général ou en Europe ?
SD: La différence essentielle est liée à l'endroit lui-même: en France, en Suisse ou dans un autre pays occidental, cela se passe généralement dans une salle. Là-bas, c'est plutôt dans une cour, à l'extérieur, au moment d'une veillée, avec des familles qui se lèvent pour danser...
VZ: En Europe, c'est moi qui parle. Au Mali, c'est Samba, c'est lui le griot. ce sont des moments très importants, pleins d'émotions et qui nourrissent notre musique.
Vincent Zanetti, Samba Diabate, Jacky Molard. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Vincent Zanetti, Samba Diabate, Jacky Molard. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Depuis 23 ans, Vincent est « Monsieur Musiques du Monde » à Espace 2, la chaîne culturelle de service publique de la Radio Télévision Suisse. Il a aussi dirigé pendant des années un festival qui s’appelait « Les Notes d’Equinoxe ». Une année, il avait invité un quintet dont je faisais partie avec Erik Marchand et la contrebassiste Hélène Labarrière.
Pour le dernier projet de Kala Jula, il nous a demandé au départ à Hélène et à moi-même de jouer sur un morceau. Au bout du compte, nous sommes sur plusieurs titres.

Jacky Molard

Jacky Molard. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Jacky Molard. Studio de l'Ermitage. Paris (Photo: Frantz-Minh Raimbourg)

Parlons maintenant du dernier opus !
SD : Notre volonté était la continuité de Kala Jula en tant que duo, c'est ce qui nous caractérise... Mais depuis toujours, c'est souvent un trio ou plus, parfois avec un chanteur, un trompettiste...
VZ : On est arrivé en studio avec des morceaux déjà structurés. Patrick Molard et Hélène Labarrière nous accompagnent sur plusieurs titres, ils sont plus que des invités, ce sont des amplificateurs. Le violon apporte des notes tenues et la contrebasse donne de la rondeur à notre musique,  il y a vraiment là cette idée de groupe, la volonté de jouer cette musique à quatre cordes.
        Entretien réalisé par Frantz-Minh Raimbourg au Studio de l’Ermitage à Paris.
Photo: Vincent Zanetti.

Photo: Vincent Zanetti.

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